Encore toi ?! [ PV Kim Hyun Jin ]

C’qu’il y a de pratique, lorsqu’on possède sa propre entreprise, c’est qu’on peut aisément s’accorder un jour de congé sans rendre de comptes à personne. Bien entendu, la société passe avant tout le reste…mais une journée complète à ne s’occuper que de soi, c’est une tentation à laquelle céder devient une question de survie. La perspective de prendre une journée l’avait rendu très efficace la veille : rendez-vous sur rendez-vous, multiplication des visites en passant par une addition de coups de téléphone et vous obtenez un résultat des plus concluants. Aussi, il avait permis à sa secrétaire, la charmante Mademoiselle Yoon, de rentrer plus tôt chez elle.

" Vraiment ?

- Bien sûr ! En tant que patron, il est normal de récompenser ses employés les plus modèles…

- Merci beaucoup Monsieur Kang !

- Je vous souhaite une bonne fin de journée Mademoiselle Yoon ! "

C’est le cœur léger et un sourire aux lèvres qu’il se dirigea vers la sortie lorsque…

" Monsieur Kang !

- Oui, Mademoiselle Yoon ? dit-il en se retournant pour faire face à sa secrétaire préférée.

- Le charmant jeune homme qui est venu le mois dernier, il a encore une fois appelé pour demander à vous voir en guise de remerciement et je…

- Dites-lui que je suis occupé, quelle que soit la raison. "

Comment couper court à une conversation ? User d’un ton ferme, cassant et autoritaire en fronçant légèrement les sourcils, signe de mécontentement le plus complet. Ce maudit gamin…Une demi-journée pour se débarrasser de lui et voilà qu’il continuait à le harceler ! Il s’était pointé à son bureau, les mains dans les poches, un sourire innocent aux lèvres, tout ça pour lui demander quoi ? N’importe quel logement ? Seung Woo avait été ferme sans manquer de délicatesse pour lui préciser que son agence était exclusivement réservée aux propriétés de grand standing, rien à voir avec un logement d’étudiants vagabonds. Autant parler à un mur ! Parce qu’en plus, ce type était une véritable tête de mule, incapable de lâcher le morceau. L’envoyer balader alors qu’il était déjà dans une situation difficile relevait de la cruauté et même si l’agent Kang détestait tendre la main, le regard émue et humide de sa secrétaire l’avait fait changé d’avis. Mademoiselle Yoon semblait s’être prise d’affection pour le morveux et cette femme était quelqu’un pour qui Seung Woo avait beaucoup d’égard. Il aurait eu droit à un quotidien des plus sombres s’il avait refusé de soutenir ce jeune. Bref, c’était du passé et une fois l’accord conclu avec le propriétaire, Kang pensait tout bêtement tirer un trait sur cet épisode…au grand dam du gamin !

Mademoiselle Yoon semblait perturbée par ce changement d’attitude. Le menton tremblant et les yeux larmoyants, elle vit son supérieur soupirer de lassitude avant de reprendre la parole.

" Il est hors de question que je l’aide davantage. J’ai fait mon travail et chacun reprend sa vie, un point c’est tout. A jeudi Mademoiselle Yoon. "

Cette fois-ci, il partit d’un pas décisif sans retour en arrière possible. Sa secrétaire était bien la seule femme après sa mère à laquelle il ne pouvait pas toucher, par principe. Il démarra sa berline non ans une certaine amertume qu’il oublia bien vite en regagnant son chez lui. Un appartement spacieux dans un quartier résidentiel avec vue sur la rivière Han, de quoi faire pâlir d’envie les plus fortunés. On dit toujours que le cordonnier est le plus mal chaussé mais Seung Woo avait mis le grappin sur ce bijou bien avant que quiconque ait eu le temps de le visiter. C’était un réel bonheur de pouvoir rentrer tôt pour une fois et sa journée de demain s’annonçait encore mieux ! Il aurait tout le loisir de se réveiller à l’aube, déjeunant sur sa terrasse et profitant des premiers rayons du soleil avant de sortir pour se dégourdir les jambes. Il se dirigea vers son dressing et changea de tenue, histoire d’être plus à l’aise. Son costume italien troqué contre un simple marcel et un pantalon de jogging, il ressemblait à Monsieur-Tout-Le-Monde. Il ouvrit la porte de son réfrigérateur et sortit quelques canettes de bière qu’il installa sur sa table basse, devant son téléviseur écran plat. Il mit la chaîne sportive et monta le son avant de se lever, retirant ses vêtements au hasard, pour se rendre dans sa salle de bains. Il pouvait parfaitement prendre une douche sans manquer une seule minute d’un match opposant les Lakers aux Cavaliers de Cleveland, non ? C’est pourquoi il n’entendit pas immédiatement sonner à sa porte. Encore heureux - si je puis dire – que la personne insista une paire de fois avant que Seung Woo ne daigne sortir, une serviette de bain autour de la taille en guise de vêtements.

" C’est pour..? "

Yeux écarquillés, lèvres retroussées de stupeur et une seule question en tête.

" Qu’est-ce que vous faites ici ???!!! "

Interdit, la bouche entre-ouverte et une envie folle de se mettre des baffes pour vérifier qu’il ne rêvait pas. Ce n’est qu’au moment où il ne le vit plus sur son palier mais dans son appartement qu’il comprit que c’était bel et bien réel. Il n’avait pas eu le temps de relever sa première réflexion quant à sa tenue non adéquate pour recevoir du monde et pointa un index tremblant sur ce jeune homme qui prenait déjà ses aises dans son salon.

" Vous…Mais…Comment ça Mademoiselle Yoon vous a dit de…Elle vous a donné mon adresse ?! "

Mâchoires contractées, les veines battant contre ses tempes, on appelle cela la colère, non ? C’était impossible qu’elle le trahisse, même si elle compatissait un peu trop à la situation de ce visage angélique. Elle n’avait jamais remis en question ses ordres, malgré son désaccord palpable. Il devait l’avoir soudoyée ou pire encore…menacée ? Il comptait sur Mademoiselle Yoon et la connaissait trop pour se laisser convaincre aussi facilement…n’est-ce pas ? N’est-ce pas ?!

" Elle m’a vendu… "

Un simple murmure, un bras qu’on laisse retomber et une expression indéchiffrable. Ce jeune devait être sacrément doué pour parvenir à ses fins. Il secoua la tête pour reprendre ses esprits et gérer un problème plus urgent nommé…comment déjà ? Aucune importance puisqu’il allait débarrasser le planché d’une minute à l’autre, même si pour cela Seung Woo devait employer les grands moyens. C’est d’un pas magistral qu’il se dirigea vers son sofa, sentant comme un linge glisser sur ses jambes. Le temps de baisser la tête et de se rendre compte de la situation. Après avoir piqué un fard, saisit la serviette et courut jusque dans sa chambre, il analysa à nouveau ce qui venait de se passer : la plus grande honte de toute sa vie, sans aucun doute, à en croire les battements de son cœur et ses joues colorées. Il fulminait de rage contre ce type et contre lui-même, jetant sa serviette par terre avant de sauter dessus pour glisser et se cogner contre sa porte, émettant un gémissement sonore. Si on le trouvait ainsi, on croirait voir un autre homme. Nan mais oh, reprends-toi Casanova ! On dirait un ado pré-pubère qui vient seulement de découvrir que cette partie de son anatomie ne pouvait pas être dévoilée au grand jour. Il secoua la tête et se releva, cherchant vite fait dans son armoire quelque chose à se mettre, ses fringues précédentes étant dispersées un peu partout dans le salon. Il inspira un bon coup avant d’ouvrir la porte avec la plus grande discrétion qui soit, retrouvant l’arrière du crâne du gamin toujours installé dans son canapé. Petit morveux…Décemment vêtu, il se dirigea droit sur lui et éteignit le téléviseur avant de le fixer ses yeux, l’air grave d’un paternel autoritaire flanqué sur le visage.

" Cette visite de courtoisie n’a pas lieu d’être. Nous nous sommes tout dit la dernière fois, donc vous n’avez rien à faire ici. Je vous demanderai de partir…maintenant. "

Aucune réaction, si ce n’est un sourire amusé qui accentua le degré d’énervement de notre cher agent immobilier. Il s’approcha du gamin et lui colla une pichenette violente en plein milieu du front.

" Le Coréen, ça te parle ? T’es bouché ou quoi ? J’t’ai demandé de sortir d’ici ! J’ai pas l’temps pour des gamineries et il se trouve que je veux profiter de ma soirée en tête-à-tête avec moi-même, c’est clair ? "

Et une rafale de pichenettes, une ! Il méritait un châtiment plus dur, sans aucun doute, mais Seung Woo n’était pas du genre à faire un usage abusif de la violence. Il ne lâchait donc jamais l’affaire, au point d’avoir réussi à soutirer des informations d’une importance capitale auprès de sa secrétaire favorite…Il devrait en discuter avec elle, lui mettre les points sur les " i ", même si cette perspective ne l’enchantait guère. Tout ça à cause de ce fichu mioche ! Il tentait de garder une respiration calme, même si son corps tout entier était en ébullition, un véritable bouillon de lave qui s’apprêtait à exploser à tout moment.

Peut-être qu’il avait véritablement un problème avec le coréen ? Certains enfants n’arrivent jamais à se faire à leur langue natale, c’est rare mais cela existe ! Il n’y avait que ça…de la mauvaise foi, aucune volonté d’écouter aussi et…Bon sang mais il allait dégager de ce canapé ! Non, au lieu de ça, une nouvelle formule familière en plein dans le pif. En usant de ces pseudos tactiques convaincantes, Seung Woo espérait au moins une mauvaise humeur naissante, un froncement de sourcils voire même un soupire d’exaspération et au lieu de ça…Mais qu’est-ce qu’il foutait dans ses bras ?!!! Timide ? TIMIDE ??? Il était complètement abasourdi par ses dires et ne pouvait que le regarder d’un air ébahi , tandis qu’il lui parlait de quelqu’un avant de se tourner du côté du poisson. Seung Woo leva les yeux au ciel avant de se laisser tomber sur son sofa, appuyant sa tête en arrière, main sur les yeux, murmurant pour lui-même.

" Qu’ai-je fait…Dites-le moi…Est-ce vraiment nécessaire de m’infliger ça ? "

Ce gamin était véritablement en train de déguster du poisson cru premier choix dans son salon, sur son canapé, dans son espace. C’était même la première fois qu’un homme - quoiqu’il n’était pas certain de pouvoir le nommer ainsi étant donné son jeune âge - entrait dans son intimité. Il le regarda avaler avec délectation les morceaux de poisson et jeta un œil à ce qu’il avait ramené. L’estomac de Seung Woo fut le seul traître. Il détourna la tête, se raclant la gorge en espérant qu’il n’ait rien entendu mais déjà, ses yeux s’étaient à nouveau posés sur le succulent plateau. Il tendit sa main le plus lentement du monde avant de reprendre une position totalement désintéressée au moment où le mioche lui tendit le plateau, tout sourire. C’est ça, fait toi avoir par un vulgaire plat…que dis-je ! Une délicieuse disposition de mets tous plus fins les uns que les autres et…et…que de tentation ! Il en attrapa un, l’air à la fois résigné et ronchon, le portant à ses lèvres. C’était un régal rare que d’apprécier pareille qualité. Il observa la moitié du poisson qu’il tenait dans sa main et annonça.

" Je dois reconnaître que c’est plutôt convaincant comme tentative d’approche. Mais où est-ce que tu as dégoté ce poisson ? "

Il termina son morceau avant d’en avaler un second, un troisième déjà dans les mains.

" C’est de la contrebande ? T’as des connaissances, c’est ça ? Parce qu’en dehors des grands restaurateurs, je ne vois pas qui pourrait avoir les moyens de se payer cette merveille… "

Il le toisa d’un regard mi-suspicieux mi-admiratif, ne sachant lequel prendrait le dessus. Il avait déjà une opinion toute faite sur ce jeune et savait pertinemment qu’il n’avait pas suffisamment de revenus pour se permettre ce genre de caprice onéreux. A moins que cette situation ne soit qu’une couverture et le local qu’il lui avait permis d’acheter…un quartier général de mafieux en tous genres. Oui, cet air angélique, ce sourire empreint de gentillesse, tu parles d’une mascarade ! Un génie de la comédie plutôt ! Mademoiselle Yoon s’était faite embobinée mais Seung Woo ne tomberait pas dans le piège, pas complètement du moins…Comment ça il a déjà les pieds dans le plat ?

" Contre quoi l’as-tu troqué ? Si tu cherches à me prendre un rein, tu perds ton temps. Je ne suis pas un bon candidat en ce qui concerne les dons d’organes, mon système n’étant pas très robuste. "

Un léger sourire s’afficha sur le visage de Seung Woo, comme s’il avait découvert le pot-aux-roses…alors qu’il n’y était pas, mais alors pas-du-tout. Il se leva de son sofa à la manière d’un chef de guerre, se dirigeant vers son frigidaire américain pour prendre une bouteille de blanc déjà entamée. Il se servit un verre et remit la bouteille au frais avant de se diriger vers le jeune homme.

" Comme tu peux le voir, je ne suis pas du genre à me priver des bonnes choses… "dit-il en levant le verre à sa santé, buvant une longue gorgée de ce liquide doré.